Sud-Kivu: «Ce jour-là, ils ont tiré sur toute ma famille, sous le lit» Témoignage d’un rescapé du massacre de Katogota

Le 21e anniversaire du massacre de plus de 350 personnes causé par les rebelles du Rassemblement Congolais pour la Démocratie, RCD-Goma, s’est déroulé ce vendredi 14 mai 2021 dans le village de Katogota en territoire d’Uvira, depuis tot le matin.

Ce massacre est survenu quelque temps après le meurtre de deux commandants rebelles du RCD à l’époque, à environ deux kilomètres du village de Katogota alors qu’ils revenaient du village voisin de Lubarika, dans cette plaine de la rivière Ruzizi sur la route nationale numéro cinq entre Bukavu et Uvira.

«Après avoir tué mon père par le couteau, ils ont jeté son corps dans la rivière Ruzizi. Comme si cela ne suffisait pas, ils sont revenus et ont trouvé ma mère sous le lit. Ils lui ont dit de quitter sa cachette et de les rejoindre, mais ma mère leur a dit qu’elle préférait mourir par balles qu’au couteau. Alors ils ont enfoncé leurs canons sous le lit, ils ont tiré plusieurs balles sur ma mère et mes sept petits frères et sœurs. Par la grace de Dieu, je ne sais pas comment j’ai échappé, je suis passé sous les jambes de l’un d’entre eux et j’ai pris les larges jusque dans les roseaux sur la rive de la rivière Ruzizi. Plus tard j’ai constaté que c’est presque tout le village qui était massacré», témoigne Lévis Kidumu, 37 ans, qui a échappé de justesse ce jour-là, et réclame justice.

«D’ailleurs je n’aime plus fouler mon pieds dans cette parcelle car dès que je m’y retrouve, je me rappelle des douloureux événements comme si c’était hier. J’ai acheté une petite parcelle à coté, mais je ne parviens toujours pas à oublier ce dimanche 14 mai 2000 lorsque les rebelles du RDC ont interrompu un match en nous disant de regagner chacun sa maison. Depuis que j’ai perdu mes parents je n’ai plus étudié faute des moyens. Mes études se sont arrêtées en troisième année des humanités», déplore-t-il, larmes aux yeux.

Cette cérémonie a été précédée d’une procession suivie de prières à la rivière Ruzizi où des fleurs ont été jetées dans cette rivière en memoire des victimes. C’est ici où la plupart des corps des victimes du massacre de Katogota ont été jetés il y a 21 ans. Peu de temps après le massacre, les habitants de Katogota ont érigé un monument en mémoire des 375 victimes.

Dans une série de messages ce vendredi dans la diaconie Bon Berger de Katogota, divers témoins ont prêché le pardon pour une paix durable, mais en dépit de cela ils ont émis le vœu de voir les auteurs traduits en justice pour leurs crimes. Les habitants de Katogota disent qu’ils sont choqués de constater que 21 ans après, les auteurs n’ont jamais été inquiétés, et d’autres ont occupé différentes fonctions politiques et militaires.

«Pour nous, c’est une journée d’espoir parce que le gouvernement congolais vient d’accepter par l’entremise du Président de la République, de mettre la justice transitionnelle au centre des préoccupations, et le ministre des droits humains est en charge de cela. A Katogota, comme dans beaucoup d’autres sites de massacres, il faut maintenant que les victimes participent. Si nous voulons obtenir les commissions de vérité, les réparations et les sanctions des auteurs, il faut que les victimes contribuent, et ils seront des agents de changement», estime Raphael Wakenge, président de la coalition congolaise pour la justice transitionnelle, CCJT, qui croit en la volonté du gouvernement congolais de lutter contre l’impunité.

Depuis son entrée en fonction, le président Félix Tshisekedi s’est engagé à faire de la République démocratique du Congo un Etat de droit.

Par Mitima Delachance

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